Il s'agit de l'édition définitive du Voyage autour de ma Flandre dont l'auteur, Michel de Ghelderode, avait laissé paraître l'unique version (écrite l'an 1921) dans "La Renaissance d'Occident" qui en fit quelques tirés-à-part sous le titre de Kwiebe-Kwiebus. Cette version a été imprimée sur les presses de l'imprimerie Sainte-Catherine à Bruges le trentième jour de septembre de l'an 1947.
Les pérégrinations de Kwiebe-Kwiebus, philosophe des dunes, témoignent de l'influence qu'exercèrent sur le jeune Ghelderode L'Eloge de la folie d'Erasme et les Proverbes de Breughel ; maintes saynètes de ce conte philosophique semblent une transposition littéraire des tableaux du peintre flamand . Ermite volontaire, son personnage truculent a renoncé au monde, mais la venue du printemps réveille son interrogation : "N'y aurait-il pas de par les Gaules et surtout en Flandre de bonnes gens encore?" Les épisodes qui composent ce périple grotesque et métaphysique le confirmeront bien entendu dans son pessimisme social nullement mélancolique : Kwiebus grimpe in fine retrouver sa retraite flamande, se trouvant conforté dans l'idée que "tout cela était fort indifférent". Et Ghelderode de conclure : "Mais jamais plus Kwiebus n'eut le désir du monde."
Dans les Entretiens d'Ostende, série d'émissions radiophoniques enregistrées en juillet 1951 et diffusées quelques mois plus tard sur les ondes françaises, Ghelderode était revenu sur son personnage : "Mon philosophe flamand sort de la peinture de Breughel, tout vif. Assurément, il est empli de bonne et gaie science : Le Tiers Livre et L'Eloge de la folie, Le Satyricon et Le Décaméron, voire L'Utopie de Morus et La Nef de Brandt. Il raffole de Chaucer, et lit Les Hommes obscurs de Hutten. Son goût de la spéculation gratuite n'a d'égal que son aspiration au bien-être et à la douce vie des sens.
"Double bonhomme, à la fois porté sur le bec et porté sur la métaphysique ; il est bien flamand en cela, comme son inventeur." (Les Entretiens d'Ostende, L'Ether vague, Toulouse, 1992, p. 54.)