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Les couleurs Guignet Ch Er

Les couleurs
Guignet, Ch.-Er.


Librairie Hachette, Paris, 1889.


In-12, demi-chagrin rouge, dos à 4 nerfs orné de fleurons et de deux filets dorés, plats cartonnage rouge avec motif doré d'institution scolaire, signet, 273 pp.
Ouvrage illustré de 36 gravures en noir et blanc in texte et de 18 planches en couleurs en hors-texte.
Bel exemplaire. Petites épidermures sur le dos, deux premiers feuillets en partie désolidarisés.



Livre non disponible
Disciple de Chevreul, Charles Ernest Guignet est né à Giey en 1829. Son père y dirigeait la fabrique de porcelaines. Polytechnicien, il exerça d'abord les fonctions d'aide préparateur au laboratoire de polytechnique jusqu'en 1854 et fut simultanément directeur des teintures à la manufacture des Gobelins. Il entrepris alors des recherches sur les couleurs et ses applications dans la chimie industrielle. Ses découvertes sur l'oxyde vert de chrome, dit Guignet, contribueront au développement des tissus imprimés et des papiers peints. Il enseignera également à l'Ecole polytechnique de Rio avant de rejoindre, de 1884 à 1889, le Museum d'histoire naturelle, en charge du cours de chimie d' Eugène Chevreul (1786-1889). Paru en 1889, son ouvrage sur Les Couleurs s'inscrit dans la lignée des travaux de son maître, inventeur des lois sur le contraste simultané des couleurs qui jouèrent un tel rôle dans l'histoire de la peinture de son temps, en particulier chez les théoriciens du post-impressionnisme et du divisionnisme. Ces lois de Chevreul avaient remis en cause l'apprentissage académique du coloris, fondé sur le dogme intangible de la couleur locale. Toujours enseignée dans les écoles des Beaux-Arts, cette conception épuisée de la vision reposait sur l'idée rassurante d'un monde constant où forme, matière, volume et couleur ne subiraient jamais l'effet des variations de la lumière et des conditions atmosphériques. L'expérience démontrait désormais que le réalisme était une fiction et une chimère. Le photomètre, qui permettait de mesurer l'intensité lumineuse, avait démontré que les peintres ne pourraient jamais égaler ce phénomène avec l'emploi des pigments. En conséquence, redevenir visuellement scrupuleux, c'était "tricher" puisque le peintre ne devait plus chercher à copier fidèlement le monde visible mais devait tenter de renouveler les conditions de la perception afin de le "traduire".
L'ouvrage paraît l'année même de la mort de Chevreul, ce qui explique la dédicace de l'auteur à la mémoire de son"illustre maître". "Peut-on refuser le droit de mentir aux peintres qui nous font des contes avec le pinceau comme d'autres avec leur plume? [...] Certains artistes, s'étonne Guignet, la plupart encore jeunes, cherchent à faire croire qu'ils créent des chefs-d'oeuvre tout naturellement, comme un arbre produit des fruits. Ils ne doivent rien au métier, disent-ils ; mais tout à l'inspiration [...]. On ose à peine parler aux artistes de la nécessité d'étudier la lumière et les ombres, le contrastes des couleurs, la perspective même [...]. Assurément, il est plus commode de se laisse aller à l'inspiration seule que de l'aider par des études quelconques. Mais est il absolument faux, poursuit l'auteur, que des études rationnelles, des connaissances pratiques spéciales, puissent entraver l'inspiration [...] En négligeant l'étude des procédés matériels, on arrive à créer des oeuvres dans le genre de certains tableaux du premier empire : poussés au noir, couverts de rides et de craquelures, ils paraissent absolument décrépits [...]. La peinture d'art n'est jamais la copie exacte de la nature, même quand il s'agit d'un paysage dû au pinceau d'un réaliste ou d'un impressionniste pur [...] En résumé, la peinture est une charmeuse, qui doit suggérer des impressions bien plus qu'elle ne doit reproduire servilement des effets naturels [...]."