Ce catalogue a été édité à l'occasion de l'exposition Gothic Art for England 1400-1547 présentée au Victoria & Albert Museum, à Londres, en 2003.
Cette importante exposition sur la fin de l'art gothique en Angleterre avait pour but principal d'en finir avec une image lancinante de déclin artistique et de repli insulaire. De l'avènement d'Henri IV en 1399 à la mort d'Henri VIII en 1547, l'automne du Moyen Age vit se succéder les périodes les plus contradictoires : triomphales après la victoire d'Henri V à Azincourt en 1415, désastreuses avec la perte progressive de la France sous Henri VI, fratricide lors de la guerre des Deux Roses entre les maisons de Lancastre et d'York, et enfin à nouveau fastueuse sous Henri VIII.
De cette époque mésestimée, on croyait ne devoir retenir que l'épanouissement exceptionnel de l'architecture avec ses chapelles royales de style perpendiculaire (Cambridge, Westminster...) aux plafonds saturés d'ornements. Richard Mark, commissaire de l'exposition, a également tenu à mettre l'accent sur d'autres arts comme le vitrail, la tapisserie et l'orfèvrerie. Ironie de l'histoire, il intègre même le règne d'Henri VIII dans le gothique tardif. Si l'on songe que l'iconoclasme violent qui sévit en Angleterre -et priva cette exposition de tant de chefs-d'oeuvre majeurs du décor religieux- découle de la Réforme anglicane initiée par ce même Henri VIII, on mesure toute l'audace de ce parti pris, au demeurant plus que fondé sur le strict plan de l'histoire des formes.
Bedford, frère du roi Henri V et régent de France de 1422 à 1435 incarne à lui seul l'ouverture continentale de la culture anglaise. Bibliophile d'exception, il fit l'acquisition de la "librairie" du Louvre du roi Charles V et participa à l'essor de la bibliothèque Bodléienne d'Oxford. Le Bréviaire de Salisbury, manuscrit d'un luxe inouï orné notamment de miniatures à pleine page, témoigne du faste de ce grand mécène digne du duc de Berry. Dues au maître dit de Bedford, artiste actif à Paris entre 1431 et 1435, certaines enluminures trahissent des influences flamandes qui ne font que confirmer la porosité des frontières artistiques entres France, Flandre et Angleterre. Grâce à la somptuosité de la couronne de Margaret d'York, venue d'Aix-la- Chapelle, la vision shakespearienne de l'Angleterre ressurgissait avec éclat : "Autre Eden, pierre précieuse sertie dans une mer d'argent..." (Richard II).