Avec son collègue Lucien Brasseur (1878-1960), le sculpteur Alphonse Terroir (1875-1955) incarne à la perfection ces itinéraires sociologiques et artistiques des Prix de Rome Valenciennois, aux origines sociales modestes, qui développèrent durant le XXe siècle -des Académies de Valenciennes à Paris, en passant par la villa Médicis, à Rome- une oeuvre vouée de manière indéfectible à la perpétuation des principes esthétiques hérités du système des Beaux-Arts. 

La liesse populaire qui accompagna la réception de Terroir, devenu Premier Grand Prix de Sculpture en 1902, dans sa ville natale, témoigne de la vigueur du lien civique qui unissait sous la Troisième République un artiste à la ville qui avait soutenu financièrement ses débuts par une bourse municipale et de la fierté qui rejaillissait ensuite sur l'ensemble de ses concitoyens lorsque "l'enfant du pays" recevait une telle consécration nationale.

"Le 27 septembre, écrit J.-C. Poinsignon, Valenciennes peut enfin dignement recevoir "ses" Prix de Rome. Il suffit de regarder les photographies prises tout au long du cortège, pour se rendre compte de l'incroyable fête populaire ainsi suscitée. Depuis la victoire d'Abel de Pujol, en 1811, chaque Prix de Rome a droit en quelque sorte à son triomphe. Cette fois, ils sont trois. Ici aussi fausses-portes, arcs, pylônes, guirlandes, fleurs jalonnent l'itinéraire. Et la foule, une foule immense. [...] Tout ce que Valenciennes et ses environs compte de personnalités politiques, artistiques, sportives ou autres, tous les anonymes sont sur le parcours. Aux vins d'honneur Harpignies donne la réplique au maire. Le soir au banquet toutes les sommités du monde artistique accompagnent Terroir, Dautel et Brasseur." (pp. 45-46) Brasseur, Premier Second Grand Prix de sculpture et Pierre-Victor Dautel, Premier Grand Prix de gravure en médaille, furent, en effet, associés au triomphe de Terroir. Des festivités de moindre ampleur succéderont à la récompense de la médaille d'honneur, obtenue lors du Salon des Artistes Français en 1929. A cette occasion, le poète Jules Mousseron consacra quelques vers à son "Ami Terroir" : " Ch'est chu qui fait qu'tin oeuvre est à l'coupette, / et qu'int t'fiête aujord'hui / Et qu'in t'apport' des fleurs à plein's mand'lettes, / R'vett', compagnon, si t'fais vibrer l'pays!"

Cette carrière sera régulièrement ponctuée par une succession de commandes publiques : monument à Diderot, au Panthéon, monument à la Duchesnois, à Saint-Saulve, monument de La Renaissance, à Valenciennes, avec ses statues du Mineur et du Sidérurgiste...