Carter, Miranda
Gentleman espion - Les doubles vies d'Anthony Blunt
Liste des ouvrages

Souvenirs
Blunt, Anthony (Sir)
Christian Bourgois éditeur, Paris, 1985.
In-12, plaquette brochée, 38 pp.
Bon état d'ensemble. Un pli au milieu du dos.
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"Jamais je n'ai éprouvé le besoin de rédiger mon autobiographie. Il y a quelques années pourtant, écrit Anthony Blunt (1907-1983), l'un des responsables de l'institut Courtauld m'a fait remarquer que j'intéressais certainement mes élèves en leur parlant des milieux artistiques à la fin des années vingt et au cours des années trente, certaines de mes expériences personnelles d'alors ayant pour eux valeur de document historique. Je m'y suis donc employé, non sans quelque succès, paraît-il. Je n'ai en revanche aucun désir d'écrire mon autobiographie proprement dite et ce qui suit n'en est pas une. Je me contenterai, dans mes propos, de montrer tout d'abord ce que fut mon développement intellectuel parce qu'il reflète les influences prédominant en Angleterre au temps de ma jeunesse..."
Dans ce texte aussi concis qu'admirable par son art consommé de la distance ironique, Sir Anthony revient sur ses années de formation intellectuelle en France, puis dans les College anglais. Sa conversion à Cézanne et à l'art moderne, à partir de 1923, fut inspirée par ses lectures bloomsburiennes de Roger Fry et Clive Bell, qui voyaient dans le naturalisme le mal absolu. Etudiant et esthète, Blunt évoque ensuite son entrée à Cambridge et la brutale conversion de ses condisciples au marxisme : "Soudain, au cours de la session universitaire d'automne 1933, le marxisme fit irruption à Cambridge [...] Cambridge fut littéralement métamorphosé en une nuit." L'analyse du renversement complet de toutes les conceptions esthétiques et politiques de l'auteur constitue sans aucun doute le point d'orgue de cet opuscule sans concession sur soi-même :"l'art pour l'art, la forme pure furent impitoyablement balancés par dessus-bord", alors que le réalisme passait de l'état de vice à celui de vertu. Cézanne, naguère idôlatré, devint coupable d'ésotérisme formel pour "avoir inauguré le repli de l'artiste dans son atelier." Au grand dam de Herbert Read et de Roland Penrose, attérés par tant d'aveuglement et de mauvaise foi, il n'était d'art, aux yeux du Blunt d'alors, que réaliste, monumental et largement accessible aux masses.
Dans ce texte aussi concis qu'admirable par son art consommé de la distance ironique, Sir Anthony revient sur ses années de formation intellectuelle en France, puis dans les College anglais. Sa conversion à Cézanne et à l'art moderne, à partir de 1923, fut inspirée par ses lectures bloomsburiennes de Roger Fry et Clive Bell, qui voyaient dans le naturalisme le mal absolu. Etudiant et esthète, Blunt évoque ensuite son entrée à Cambridge et la brutale conversion de ses condisciples au marxisme : "Soudain, au cours de la session universitaire d'automne 1933, le marxisme fit irruption à Cambridge [...] Cambridge fut littéralement métamorphosé en une nuit." L'analyse du renversement complet de toutes les conceptions esthétiques et politiques de l'auteur constitue sans aucun doute le point d'orgue de cet opuscule sans concession sur soi-même :"l'art pour l'art, la forme pure furent impitoyablement balancés par dessus-bord", alors que le réalisme passait de l'état de vice à celui de vertu. Cézanne, naguère idôlatré, devint coupable d'ésotérisme formel pour "avoir inauguré le repli de l'artiste dans son atelier." Au grand dam de Herbert Read et de Roland Penrose, attérés par tant d'aveuglement et de mauvaise foi, il n'était d'art, aux yeux du Blunt d'alors, que réaliste, monumental et largement accessible aux masses.