Morel, Dominique (dir.)
La Nouvelle Athènes
le quartier Saint-Georges
de Louis XV à Napoléon III
Le programme, conçu par Thiers, fut exécuté par un nombre impressionnant de sculpteurs, à l'exception notable de David d'Angers. "Pour saisir l'esprit de ces artistes, pour comprendre comment pouvaient se coudoyer au travail des tempéraments si divers, écoutons ce que l'un d'eux, Lemaire, disait plus tard à Fourcaud : "Nous n'allions jamais au chantier de l'Etoile sans entrer au hangar de l'Epure où étaient exposés les bas-reliefs de l'arc de Titus. Nous y rencontrions souvent, Feuchère, Cortot, Foyatier, Marochetti, Rude et moi, et nous nous attardions à causer des chefs-d'oeuvre de l'Antiquité, des bas-reliefs d'Athènes, du défilé militaire de la colonne Trajane. Chacun avait son mot qui le peignait : Cortot en revenait toujours à ceci : "La sculpture est un art grave." Rude s'écriait : "Les anciens, quels hommes!" et Marochetti, italien subtil, emporté, plein de formules bizarres, concluait : "il faudrait faire de la sculpture moderne qui fut antique [...] Un jour, Pradier, qui ne venait que rarement parmi nous, eut cette réflexion : "l'Empereur a de la grandeur, beaucoup de grandeur, mais sans la grâce." Rude, auquel cet artiste trop gracieux était en horreur, serra les poings, et Marochetti riposta : "Ne touchez pas à l'Empereur, monsieur Pradier, c'est un ancien!" (cité in Luc-Benoist, La sculpture romantique, La renaissance du Livre, 1928, pp. 118-119)