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Nos Flamands Lemonnier Camille

Nos Flamands Lemonnier Camille

Nos Flamands
Lemonnier, Camille


s. éd., Bruxelles, 1869.


In-8, demi-chagrin rouge à coins, papier petit peigné, gardes de couleurs, dos à nerfs orné de filets dorés, 236 pp.
Edition originale de cet ouvrage majeur qui a marqué les débuts de la littérature d'art en Belgique.
Dos et coiffes frottés avec épidermures, coins légèrement émoussés avec épidermures, bon état intérieur.



Livre non disponible
En 1869, quand il publie ce recueil d'essais consacrés à la peinture flamande et aux mœurs de la jeune Belgique, Camille Lemonnier (1844-1913) n'est pas encore le chef de file de la littérature nationale, consacré par la publication de son roman : Un mâle (1881). Proche de Félicien Rops et d'Alfred Stevens, celui qui n'est encore qu'un jeune et déjà brillant critique d'art va pourtant faire une entrée fracassante sur la scène littéraire. En plaçant son oeuvre sous la tutelle des anciens maîtres flamands (Jordaens, Teniers, Rubens), Lemonnier déplore d'emblée l'absence d'une tradition littéraire de prestige en Belgique ; en conséquence, il associera sa volonté d'oeuvrer au réveil de "l'âme nationale" à la résurrection par le verbe de l'héritage pictural flamand. Dédié à la "jeunesse des écoles et des ateliers", ce livre récuse la table rase en liant l'avènement d'une modernité authentiquement belge à la perpétuation de cette tradition vivace. A cette fin, Lemonnier, dans la lignée de Charles de Coster, réinvente "l'image d'une Flandre mythique, âge d'or fantasmé destiné à servir de repoussoir à la dégénérescence de la société de son temps." (Laurence Brogniez, "1869- Lemonnier publie Nos Flamands" in Histoire de la littérature belge 1830-2000, éd. Fayard, 2003) Sans aménité pour ses contemporains, Lemonnier oppose les modèles "vivants "de Rubens aux "pauvres figures moribondes" de ses concitoyens pâles et exsangues, fruit d'amours "moisies et chassieuses, avec des trous aux joues, des gouffres aux épaules et des abîmes aux homoplates." "Ah! nous ne sommes plus Flamands", se lamente lemonnier, qui oppose le maquillage de la "femme fresque" belge -dont "la couleur fuit" dès qu'on l'approche pour ne plus laisser qu'une ombre- au "fort sang rouge" des Flamandes d'autrefois et au vigoureux coloris rubénien ("Ô grands Flamands! La belle muse de sang et de vie s'est endormie en vos oeuvres"). "Sous sa plume, écrit Laurence Brogniez, la recherche de la couleur locale se fait exaltation du coloris national." Cet hymne à la culture flamande aspire aussi à encourager les peintres et les littérateurs belges à réinventer un art autochtone, autrement dit à se déprendre de l'emprise culturelle française et à se défaire du pouvoir corrupteur de la littérature parisienne : "La pire annexion n'est pas celle d'un coin de terre : c'est celle des esprits. Nous-mêmes ou périr", clame la fière devise de Lemonnier.) Ce désir d'insuffler un sang neuf à la littérature nationale va s'incarner dans une recherche stylistique singulière : Lemonnier, l'écrivain "welche" au "parler belge", aborde en peintre la description littéraire de la Cocagne flamande. Peintre-écrivain, il invente une "écriture visible, sinon visuelle", truffée de néologismes et de mots rares, pour restituer la saveur perdue des choses du temps de Rubens.