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Retour à l'humain. Sur une tendance actuelle de l'art belge. L'Animisme.
Haesaerts, Paul
Editions Apollo, Bruxelles-Paris, 1943.
In-12, broché avec couverture rempliée, 92 pp.
Avec une planche en couleurs d'Albert Dasnoy en frontispice, quelques illustrations en noir et blanc dans le texte et une trentaine de planches hors-texte in-fine (Van Overstraeten, Dasnoy, Leplae, Van Dyck, Vinck, Grard, Stobbaerts, Maes, Wolvers, Iserentant, Van Lint).
Bon exemplaire, pas encore découpé, brochage fatigué, papier jauni de l'époque.
Livre non disponible
La première édition de cet essai du critique belge Paul Haesaerts (1901-1974) avait été publiée en 1942, aux mêmes éditions Apollo que dirigeait son ami Robert Delevoy. Haesaerts, qui s'était fait auparavant le chantre du surréalisme et de l'expressionnisme flamand, se dresse ici contre ce qu'il considère comme "un état d'anarchie où de nouvelles non-valeurs pires encore que les anciennes se mettent à éclore" et s'attache désormais à défendre un art "libéré des cauchemars et des illogismes." Le critique tente alors de mettre à jour une tradition de l'art flamand dans une peinture dont les sujets viennent de la vie quotidienne, fondée sur un dessin respectueux des apparences. Haesaerts décide alors de qualifier cette tendance post-expressionniste de "retour à l'humain." "En Belgique, écrit-il, le fait est patent. A louvain, à Bruges, à Tournai, à Anvers, à Gand, à Bruxelles, des artistes sont apparus qui pratiquent ce même art fait de sincérité, de réserve et de tranquille émotion. Un noyau d'amis? Non. Un cercle d'art? Non plus. Une chapelle, une école? Encore moins. C'est une poussée, une crue lente, paisible mais certaine [...] Toute notre attention était accaparée par des expressions d'art bruyantes, extrêmes, hardies, pleines d'arrogances, parfois fort encombrantes ; et voici que silencieusement, dans l'humilité et la modération, se présente cet art calme, réservé, discret, authentique [...] Quelque chose d'encore innommé existe donc. Un enfant de chair et d'os, de pensées et de sensations demande à être baptisé." Après s'être expliqué sur son refus des termes "post-expressionnisme", "humanisme" et "néoréalisme", Haesaerts justifie le choix du mot "animisme", qu'il emprunte curieusement au vocabulaire de l'ethnographie : "Les peintres et les sculpteurs animistes veulent rejoindre par la sympathie, par le sentiment -qui pourrait bien être le sentiment de l'universelle cohésion - ce qui est dans les choses [...] Ils font donc un effort de compréhension profonde et de communion avec le réel. Ils sont réalistes et spiritualistes." Ce texte a souvent été perçu comme une attitude de repli esthétique. "Il est du meilleur ton de brocarder cet essai, écrivait Serge Creuz. On dit qu'il avait voulu créer une école. C'est faux. Dans son esprit, c'était un combat chaleureux." Après avoir adhéré un temps à cette conscience "animiste" des valeurs humaines, le peintre Louis Van Lint (1909-1986) finit par s'opposer vivement à Haesaerts et à sa volonté de l'annexer à ce groupe qui n'en fut jamais un. En 1943, Van Lint exposa au salon "Apport" un Ecorché qui fut interprété comme une protestation insolente contre cet embrigadement. Dans ce quasi-manifeste, le peintre qui évoluerait bientôt vers la Jeune Peinture belge et l'abstraction clamait déjà son refus d'accepter l'apparence calme, quiète de tout ce qui se présente à nos yeux. Il affirmait ainsi de manière presque littérale cette décision de pénétrer à l'intérieur des choses, dans et par la peinture, afin d'aller au-delà des seules apparences journalières, but ultime des "animistes."