Le sculpteur
Jean-Baptiste Giraud (1752-1830) joua un rôle déterminant dans les débats contradictoires qui tentaient, en plein néoclassicisme, de redéfinir le modèle antique.
Grâce à une politique ambitieuse de commandes, l'avènement du Consulat avait contribué à créer un véritable élan auprès des nombreux sculpteurs français. La connaissance de la sculpture antique s'affinait, notamment grâce à des musées, "du type de celui que le sculpteur Jean-Baptiste Giraud s'est constitué à grand frais en Italie et qu'après avoir installé dans son hôtel place Vendôme, il a ouvert
De son côté, l'archéologue Emeric-David contribua à l'émergence d'un nouveau regard sur l'art antique, fondé notamment sur l'idée bien peu winckelmanienne de "bonne imitation". Les deux hommes ont donc collaboré activement, en particulier dans le musée de moulages de l'artiste statuaire, à la préparation de l'ouvrage d'Emeric-David : Recherches sur l'art statuaire considéré chez les Anciens..., essai qui fut couronné par l'Institut, le 15 vendémiaire, an IX et publié seulement en l'An XIII (1805), sous un seul nom d'auteur. Dans son avertissement, Emeric-David, rendait un hommage vibrant au sculpteur : "Les artistes ne s'étonneront pas que j'aie entrepris d'écrire sur les règles d'un art que je ne professe point, quand ils sauront que j'ai été guidé par un aussi habile maître. Les beautés dont je cherche à rendre compte, je les ai reconnues dans la cire et dans le marbre qui s'animent sous ses doigts. C'est lui qui m'a excité à composer l'ouvrage ; c'est lui encore, qui, par ses nombreux secours, m'a mis à même de l'exécuter. S'il m'étoit permis de me glorifier de quelque chose, je dirois seulement que depuis les premiers jours d'une ancienne et étroite liaison, depuis qu'il étudie son art, et que j'ai voulu auprès de lui en connoître la théorie, dans nos recherches à Rome, dans nos conversations au milieu des figures antiques qui enrichissent son atelier, mes opinions furent toujours conformes à ses principes." Devant l'écho suscité par cette publication, Giraud s'estima cependant lésé par Emeric-David : le sculpteur prétend "que j'aurois dû faire imprimer son nom avec le mien sur le frontispice ; il prétend que ne l'ayant pas fait, je suis un spoliateur."
En 1806, une polémique acerbe s'ensuivit, deux libelles de Giraud mettant violemment ce désaccord sur la place publique. La présente brochure d'Emeric-David répond à cette "prétention déraisonnable" et entend ainsi réfuter le second écrit de son ancien compagnon d'études : Seconde lettre de M. Giraud à M. Emeric-David. Le ton de sa conclusion entérine la rupture entre les deux hommes : "Le nom de M. Giraud ne sauroit accroître la réputation littéraire de celui qui s'est chargé de rédiger sa correspondance ; et quant à M. Giraud lui-même, je lui répéterai toujours, qu'il vaudroit mieux pour un homme comme lui, faire une bonne statue, que de signer de mauvais pamphlets."