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Le monument le plus laid de Paris br Les Marges revue litteraire

Le monument le plus laid de Paris
Les Marges, revue littéraire
 


Les Marges, Paris, n° 59, tome XVI, seizième année, 15 février 1919.


In-12, broché, paginé 66-128 pp.
 
Bon état. Papier jauni.



Livre non disponible
Revue littéraire fondée en 1903 par Eugène Montfort, Les Marges ont consacré l'essentiel de ce numéro de 1919 à une enquête désopilante sur "Le monument le plus laid de Paris." Alors que venait de se terminer la Première Guerre, la rédaction des Marges prévoyait avec "effroi" les conséquences de l'armistice dans le registre de la statuaire publique, identifiées à un véritable "danger.". Dans une tonalité ironique plus que révélatrice du discrédit qui commençait de frapper la statuomanie officielle de la IIIe République, la lettre suivante fut ainsi adressée à nombre d'artistes et d'écrivains : "Une poussée considérable de monuments et de statues menacent notre pauvre Paris. La Victoire sera aussi , hélas! une grande victoire pour les sculpteurs et les architectes officiels [...] Puisqu'aucune bombe d'avion, ni aucun obus de bertha n'a supprimé, ni même endommagé, une seule des vilaines choses qui déparent notre Cité, la main intelligente des hommes ne s'y décidera-t-elle pas? Si l'on ne peut empêcher la culture des navets, ne peut-on faire cependant qu'il n'en pousse de nouveaux qu'en remplacement des anciens, et qu'aucune laideur, enfin, ne soit ajoutée à toutes celles dont nous souffrons déjà?
"Dans ce but, et afin d'éclairer les gens qui, éventuellement pourraient être chargés de nettoyer la place, nous vous posons ces deux questions :
"Quel est, selon vous, le monument le plus laid de Paris, et quelle est la statue la plus laide? Quelles sont les "oeuvres d'art" qu'il importe le plus vivement de soustraire à la vue des étrangers qui visitent Paris, pour permettre à la France de garder son renom de patrie du goût et des arts?"
Le questionnaire fut soumis à la sagacité de MM. Henri Barbusse, Léon Bakst, Jules Bertaut, André Billy, Auguste Bréal, Marcel Boulenger, Curnonsky, Max Daireaux, Louis Dimier, Fernand Divoire, Drésa, Henri Duvernois, Fagus, Abel Faivre, Fernand Fleuret, Louis Forest, Paul Fort, Othon Friesz, Joachim Gasquet, Paul Géraldy, Fernand Gregh, Jean de Gourmont, Guillot de Saix, G. de la Fouchardière, Guy Lavaud, Ary Leblond, Marius Leblond, Maurice Le Blond, Georges Le Cardonnel, Pierre Lièvre, Xavier de Magallon, Marcel Martinet, Camille Mauclair, Charles Maurras, André Maurel, Henri Mazel, Pierre Mille, Eugène Montfort, Luc-Albert Moreau, Jacques Morland, G. de Pawlovsky, André Picard, Michel Puy, Rachilde, Jean Royère, Robert Scheffer, Séverine, Paul Souday, Victor Snell, Octave Uzanne, Vallotton, Fernand Vanderem, Van Dongen, Louis Vauxcelles, Clément Vautel, Maurice de Waleffe.
Le monument à Gambetta -"provocation au dynamitage", selon Curnonsky-,  semble avoir remporté la palme du dégoût, devant le Hugo de Barrias et le Jules Ferry des Tuileries. Le point de vue le plus dévastateur sinon le plus paranoïaque- revenant peut-être au peintre Vallotton qui voyait dans la destruction des cathédrales et" l'épargnement inconcevable de notre statuaire officielle" la manifestation la plus délétère de "l'infernal génie du Boche." "Et si ce que nous prenons pour la maladresse de ses artilleurs, s'interrogeait Vallotton, n'était pas bonnement le fait d'un ordre "d'en haut", afin d'aider ainsi à l'abaissement de la rivale exécrée."
Les perles volontaires ou parfois involontaires -certains de ces auteurs ne sont-ils pas aujourd'hui plus oubliés encore que bien de ces sculpteurs aujourd'hui redécouverts pour de bonnes ou de moins bonnes raisons?- que recèlent les réponses à ce questionnaire font de ce numéro rétrospectif sur l'art statuaire du XIXe siècle un document aussi précieux pour l'histoire du goût  que savoureux pour l'étude littéraire des fleurs de rhétorique de l'exécration.