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Greco considerations sur sa vie et sur quelques unes de ses oeuvres Seuphor Michel

Greco, considérations sur sa vie et sur quelques-unes de ses oeuvres
Seuphor, Michel


Les Tendances Nouvelles, Paris, 1931.


In-12, broché, 167 pp.
Avec 22 planches hors-texte juxtaposant des œuvres de Greco et leur schéma géométrique. Rare.
Assez bon état. Déchirures peu importantes sur le dos et plus marquées sur les chants, quelques rousseurs sur les planches.



Livre non disponible
Dans ses Entretiens avec Alexandre Grenier, publiés chez Hazan en 1996, Michel Seuphor était longuement revenu sur sa découverte du Greco, lors d'un voyage en Espagne en octobre 1927, et sur les circonstances de l'écriture et de la parution de son ouvrage : "Ce voyage avait pour moi des racines lointaines. Par tempérament, par inclination pour certaines choses, j'ai toujours cru à l'époque que j'étais un descendant d'Espagnol. Je me considérais comme venant de là-bas, ce qui est peut-être tout à fait stupide, mais c'était ainsi (...) Je ne pouvais repartir sans avoir vu le Prado. Je m'y suis donc rendu pour admirer les Velasquez et accessoirement les Greco... Je suis donc passé dans la salle des Greco, au pas de course, pensais-je en y entrant... Mais je suis tombé en arrêt devant Le Baptême du Christ comme devant La Pentecôte, et je suis ressorti du Prado comme sur un nuage.

"Je n'étais plus moi-même (...) Je suis revenu plusieurs fois revoir tous ces tableaux, j'étais comme possédé! Extraordinaire! Une peinture que ne n'avais jamais vue, avec ce relâchement du pinceau, cette touche qui semble flotter, alliée à une rigueur de composition, une force dans l'organisation du tableau. Sans oublier les coloris qui chantaient. Ce n'était plus de la peinture, mais de la poésie (...) Et j'ai commencé à prendre des notes et des notes. Il me fallait voir les autres tableaux du Greco. Je suis donc allé à Tolède puis à Séville, où je suis resté trois semaines (...) Je suis revenu à Paris par petites étapes, toujours possédé par le Greco! Aussitôt remis sur pied, je me suis précipité à la Bibliothèque nationale et j'ai lu tout, absolument tout ce qui avait été écrit sur le Greco, pour arriver à une conclusion : il n'y avait rien sur le Greco! Il me fallait écrire un livre sur ce peintre. Ce que j'ai fait en m'enfermant un mois à Menton chez une amie (...) J'envoie mon manuscrit à André Suarès, qui le trouve remarquable et me conseille de le faire parvenir à Emile-Paul, un éditeur susceptible de le publier. Ce dernier refuse (...) Deux ans s'écoulent, durant lesquels je fonde Cercle et Carré, je tombe malade puis je deviens metteur en page et correcteur dans une imprimerie franco-polonaise. Là, tranquille, je pouvais faire ce que je voulais . J'ai créé une société d'édition, Les Tendances nouvelles, et j'ai publié moi-même mon Greco. Tiré à mille exemplaires... qui ont été vendus en quinze jours!" (Michel Seuphor, Un siècle de libertés, entretiens avec Alexandre Grenier, Hazan, 1996, pp. 104-108). 


La découverte du Greco, dont les tableaux lui apparaissaient comme des poèmes plastiques, resta indissociable de la redécouverte d'un certain élément religieux pour Seuphor, d'où la conclusion de son essai : "Greco c'est l'espoir de la prière, vague de passion qui se lance de la terre vers l'infini. Mouvement du rythme. Extase. Mondrian c'est la foi immuable de la prière, présence de l'infini dans la réalité terrestre. Etat abstrait du rythme. Stabilisation dans continuité. Image du monde dans sa plus simple expression à la fois spirituelle et matérielle. Equivalence de deux esprits, rapports entre deux époques, avènement." Dans sa recherche de l'ordre de l'univers et de l'architecture du monde, Seuphor réunissait Greco et Mondrian. A la fin du livre, des schémas dessinés de Seuphor réduisent les oeuvres du Greco à de simples épures géométriques, témoignant de cette aspiration spirituelle et ordonnée.